confidences en chemin

 
 

vous êtes arrivés par hasard sur les bords de la Touarance  ? alors peut-être allez-vous écouter chanter la voix silencieuse de cet autre – Toi , allez-vous vous arrêter un instant longuement devant ces paysages en mouvement impatients – Errance – entre Touraine et l'Ailleurs - et peut-être allez-vous encore m'écrire, toi- le d'existence

ce site est un passage, un frémissement du corps encore dans une danse incertaine, une écriture secrète plus que nécessaire, entre le journal intime, le récit de voyage et le conte en partage

peu à peu avec le temps j'apprends à écrire ce qui me préoccupe, à voler quelques images à la joie et à la douleur de vivre, j'apprends y ad miguiram l'immensité des visages et l'incomplétude de tout voyage

j'écris encore ici quelques mots de mise en garde : mes photos sont des coups de cœur bien souvent, un élan imparfait comme la figure incomplète qui fait le bonheur des enfants mais je crois qu'elles ont une dynamique bien à elles et je les aime, ce ne sont que des essais partagés loin de toute technique, de toute préoccupation scientifique, aucune objectivité just like a painting

je suis en train de réécrire la dernière nouvelle sur attIRANce, c'est la première fois que cela m'arrive – et j'ai choisi de retirer mon précédent texte (qui sera remis en archive bien sûr) – et en ce moment vous n'avez plus accès qu'aux photos, car je n'ai pas encore terminé ; j'ai la tâche aujourd'hui de faire ce travail avant de partir à nouveau vers ce pays – l'Iran

c'est une façon indirecte peut-être de vous faire participer à mon écriture – il y a quelque chose d'excitant dans toutes ces histoires – celles que je raconte ci-dessous - autour de ce site en reformation , autour de cette réécriture ;

il y a quelque chose d'excitant encore dans le décalage entre le voyage que je prépare et ce travail de reprise, parce que sans doute je sais que c'est la fin d'un cycle et le début d'un autre

le moment de partir approche, l'imaginaire lié à ces plaines arides et à ces montagnes mythiques du Kurdistan fourmille de tensions et d'images, une pression intérieure me bouscule presque au bord de la folie de cette Attente , je n'en peux plus de langueur et le désir un instant crispé s'épuise en continu, tout le corps sait que le doigt du naufrage est celui du bonheur

ce voyage comme cette aventure du net est quelque chose d'essentiel et de physique – une destinée émotionnelle et libertaire – à moins que cela ne soit un parcours libertin, je ne sais plus, c'est en tout cas le plus important pour moi

 

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je prends encore un instant - faire durer le plaisir, venir, aimer, partir, - pour choisir une pierre, celle que je laisserai ici sur le chemin, un morceau de papier que j'aurais gribouillé, pour suivre un autre ou tout simplement le même, le chemin qui n'a pas de nom et pourtant celui qui se forme peu à peu sous mes pas – je prends un instant pour dire toutes ces pages qui se feuillettent sur Touarance, des brouillons ou avatars commencés il y a deux ans maintenant

difficile de dire, je n'ai pas de lignes définies, je marche sur un fil - suivi en intermittence de mon errance, ici comme dans mes voyages, je ne sais jamais vraiment à l'avance ce que je vais écrire, où je vais aller, mais quand je réfléchis à ma démarche , je pense à l' aimance - amour, don, attirance – et aux frontières que j'invente comme les mots pour résister, à ces horizons voilés qui attirent et qui me perdent

j'ai commencé véritablement la photo en juillet 2005 avec un chagrin d'amour, et les mots sont devenus essentiels peu après, je venais de finir Marguerite Yourcenar, L'œuvre au Noir et j'allais adopter le nom de Zénon pour mes premières pages – « l'œil contrebalançait l'abîme », une approche intimiste comme une nécessité absolue, une tentative de dire enfin après ces trop nombreuses années de silence

c'est une chance inestimable pour moi de pouvoir exprimer ici, quelque part et entre amis, ce qui se confronte de turbulences en moi et de poésie – essayer de partager cette fascination pour la beauté, tout en gardant entière la multitude de contradictions qu'enfin j'assume

à travers ces mots de souffrance j'ai découvert la joie d'écrire - les mots ne sont jamais faciles pour moi, j'ai beaucoup de travail à chaque ligne et pourtant un texte, une phrase même non terminés sont comme une renaissance

 

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après des études en histoire de l'art et une vie quelque peu chaotique et toujours tranquille, l'acte photographique est encore un risque pour moi : rien n'est évident, j'étais tellement passive, timide, en attente - mise à l'écart têtue, résistance opiniâtre au temps qui fuit et aux conventions - que je n'avais aucunement l'idée que je pouvais exprimer quelque chose - ici ou ailleurs – dire enfin, m'engager, risquer, prendre un peu, recevoir aussi

j'ai acheté un appareil photo et pris mes premières photos à 35 ans, et peu de temps après j'ai acheté un billet d'avion et pris l'avion pour la première fois aussi ! beaucoup de rêves en peu de temps !

il faut dire que mon credo avait été de demander l'impossible, bientôt je vivais enfin l' impossible, ce n'était en fait qu'une question à résoudre entre soi es [sic], dans les caresses éphémères et le désir réciproque

alors la possibilité du voyage en Orient a soudainement éclairé mon paysage, je suis partie des bords de la Loire pour rejoindre les terres mythiques de Perse, j'ai remplacé mon rêve par l'écriture d'une page de mon histoire, j'ai marché tout éveillée les yeux grands ouverts sur des terres immenses et merveilleuses d'un pays sensible et cruel, dans la douce folie démesurée du printemps, juste avant le froid de l'hiver et l'acier des trombones infernaux

alors j'ai suivi mon instinct, je suis partie sur cette idée incertaine de l'Iran, ce pays contestable politiquement était pour moi un territoire de mystères, que j'avais découvert en 1997 avec le Goût de la Cerise , avec les images fabuleuses et silencieuses de Kiarostami

les mots hésitants d'Anne-Marie Schwarzenbach m'ont également séduite, cette aventurière d'un autre siècle sur des terres inconnues présentait à travers ces impressions et questions un pays qui se regarde et qui se cherche, je voulais découvrir ici   mes paysages

à mon retour d'Iran en juillet 2006 j'ai tenté l'écriture de mes sensations, et je me suis concentrée sur une première collection d'images que j'ai diffusée sur une partie de Touarance nommée att-IRAN-ce

 

« Un jour, il me faudra repartir et quitter cette île »

c'était la première fois que je revenais avec autant d'images, plus de 2000 photos numériques – 200 ont été perdues en cours de route, celles d'ailleurs d'un mariage dans les montagnes de Bakhatiari ! ce travail de sélection m'a permis de commencer à réfléchir à un tout cohérent autour de neuf thématiques, un carré de 3 x 3 photos qui se redécoupe en 3 x 3 images à l'intérieur, fragments épars et figures géométriques pour éviter le linéaire : un fouillis de mots glissés ici pour détours, passages, avec quelques musiques, sur un fleuve incertain, une esquisse de paradis avec des grenadiers en hommage aux oliviers du cinéaste iranien, quelques ballades et transparences multiples

 

« Sais-tu par où l'homme devrait commencer par aimer, fils ? »

le second récit de voyage est un essai de transposition de mes sensations à travers une fiction, une musique solitaire, un chant équivoque avec des collages bizarres et un brin de déviance ; au départ, la même incertitude du voyage et de la rencontre, et puis la pureté de l'exil volontaire, des sensations extrêmes de liberté, comment écrire cela ?

j'ai pensé qu'il était plus facile d'inventer une histoire avec des personnages qui seraient interchangeables pour ne pas fixer les cadres, ainsi que les désirs, entre Loire et Iran, où il serait aussi question d'absence, d'inconstance et d'ivresse

je ne sais pas encore si je vais réussir à réécrire la seconde version ; si ce n'est pas cette fois-là, ça sera la prochaine, qui sait ?

 

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entre les deux voyages et en attendant le prochain, j'ai créé des pages « libres » – que j'ai désignées ainsi Fil et papiers

elles me permettent de suivre ce fil tenu qui me relie à la Loire dans les bleus et les gris et aux autres paysages étrangers ou étranges couplés aux territoires intimes ; si je rejoins toujours quelque part ma terre c'est comme une prière, pour qu'un jour mes photos deviennent une offrande, aujourd'hui ce sont des traces vacillantes aux degrés magiques (pour moi) à redécouvrir

je me suis essayée à l'écriture de papiers, souvenirs, cartes postales, séquences non filmées, hiver et printemps de solitude - les personnages de ces histoires sont presque inconsistants, ils se regardent - transitions des genres, flux et intensités d'incertitude

aucune attache et pourtant je franchis à chaque fois les mêmes fleuves, prends les mêmes routes au long fil d'Ariane, les mêmes traverses endiablées, ce serait ici avec Fil & papiers un laboratoire où je créerai secrètement d'autres lumières et une multitude de couleurs dans le creux de ma main et dans le souffle de l'autre

 

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« et alors ? » me disait un ami ...

et alors c'est ainsi ! il y a la vie, les plaisirs de la vie, ses espoirs, ses surprises et les déceptions qui viennent, inéluctables comme des points de force, et puis, tout près, de l'autre côté, il y a cette aventure de l'écriture, de la photo qui comprend toujours une part de risque, et toute cette musique de la confrontation des lieux et des hommes qui chantent sous mes yeux, la recherche du dénudement parfait et lacunaire, secret, celui d'un mouvement un brin détraqué et insolite

j'écris parce que j'ai cru qu'il m'attendait, vous savez ce « quelque part quelqu'un m'attend » qui parfois fait venir les larmes

alors je préfère alors le silence à l'écart du monde ; je rejoins ce quelque part dans les tensions même que je vis, je récupère les lignes créées, celles qui célèbrent les paysages que je vois  ; je vis quand je m'approche des limites confuses où les gris deviennent petit à petit des étincelles, je marche au-devant de cette partie obscure du monde dans le frôlement de cette contradiction, pour toucher encore une fois la lumière, pour rompre le voile immense et dans sa totalité, en déséquilibre dans la passion et la folie - et l'autre jour j'ai vu faiblir les ombres, la musique trembler, la toile devenir fragile comme les mots et le corps justement, les larmes qu' elle retenait - la photographie est salut

 

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j'ai l'impression parfois que mon aventure commence véritablement ici, sur les fils entrecroisés de Touarance - avec le vin qui décante, l'arôme qui prend la forme du temps qui passe

malgré tout j'y rencontre mes amis qui continuent à me lire, au-delà du puissant moteur qui me poursuit et les logs qui me laissent croire que je ne suis pas entrée dans une voie sans issue

cette confidence en chemin annonce une nouvelle interface de Touarance, je vous invite à y revenir prochainement ; s'il est permis de faire des vœux, je voudrais tellement qu'elle porte en elle – comme mon prochain voyage - la promesse d'autres passages, d'autres paysages et qu'elle ouvre sur des visages magnifiques qui donnent l'envie à des lecteurs, des passeurs, de traverser avec moi encore une fois cet espace d'invention et de création

 

 

février 2008
iscia_at_touarance.org


Pouilly sur Loire, fév. 08
 
 
 
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" Oser et faire du bruit
Tout est couleur mouvement explosion lumière
La vie fleurit aux fenêtres du soleil
Qui se fond dans ma bouche

Je suis mûr
Et je tombe translucide dans la rue
Tu parles mon vieux
Je ne sais pas ouvrir les yeux ?
Bouche d'or
La poésie est en jeu"


Blaise Cendrars, Du Monde entier , Février 1914


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" Nous sommes tous incomplets, dit le Sage.
Nous sommes tous partagés, fragments, ombres, fantômes sans consistance.
Nous avons tous cru pleurer et cru jouir depuis des séquelles de siècles. "

Marguerite Yourcenar, Nouvelles orientales


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"Le voyage d'une forme, le long de la ligne du temps,
Image consciente revenant du festin des miroirs,
> Donne vie ΰ cette ligne assιchιe.
C'est ainsi que l'un meurt
Et que l'autre reste.

Une autre naissance " de Forough Farrokhzad