attIRANce " Un jour, il me faudra repartir et quitter cette île"

Détours, retours et instants



un après-midi

chants

et instants

portes d’un ancien palais

Lion in the top of iwan

regards au mausolée

regards sur le Zayandeh

écritures et images

instants



Détours, retours et instants

« Please, can you explain me why Iranians love lions ? ». L'autre par-devers sa différence, sa fragilité, sa beauté, se découvre, me découvre. Retour du sourire enchanté. Et tout de ce qu'il retient et de tout ce qui advient. Perdre un peu de ma folie d'être ici, foreigner, funambulesque. La rencontre avec l'étranger, avec l'étrangère que je suis. Voyage en pays de l'intérieur. Un vacillement d'incertitudes et une simplicité. Un détour par une extrême douceur, une insoumission profonde. Des questions pour moi : « Where do you come from ? »ou « Can I help you ? ». Je lève la tête de mon livre, je range mon appareil, je souris. Je suis perdue. Un instant. Je continue.

La rencontre, un défi. Un instant. Pour repartir presque aussitôt. Voile sur la tête, comme une protection. Insoumission pareille. Et mon appareil photographique, compagnon de voyage. Parfois, souvent, je me laisse accaparée par tant de gentillesse de leur part. Honneur des deux côtés. Je partage des jours avec eux. Leurs voix se tendent comme des filets vers moi. Attentions. Dans ce voyage jamais je me suis sentie seule. Suis-je sous la surveillance de quelques iraniens qui, je sais, pour rien au monde, n'auraient voulu qu'il m'arrive quelque chose ? Je suis leur protégée. Et dans leur maison, leur reine d'un soir, d'un jour, d'un jardin privé. Passions.

Pour ce voyage, j'ai pris l'avion pour la première fois ! Première séparation d'avec la terre, violence des cieux, angoisse primitive surgie du creux du ventre ? beauté des montagnes vues de dieu. Une équation soudaine douce qui rejoint le désir des temps que l'on ne partage pas. Une confrontation avec cet ailleurs tant désiré, avec un autre « je ». Un vol au-dessus des plaines arides du « je ». Une aventure ? Oh, non, surtout pas. Je ne suis pas cette aventurière que le jeune téhéranais croit (aurait aimé) voir. Why Iran ? Le plus simple est de répondre que c'est à cause du réalisateur iranien Abbas Kiarostami. Les terres poussiéreuses, le vent qui nous emporte, la fin des années 1990. L'espoir et la poésie. Un détour, des virages sans fin, la mort par la beauté, tout contre cette vie, ce lien tendu, une promesse que j'invente maintenant et à jamais suspendue. Vol et désirs enfin.

L'Iran ? J'en ai tellement rêvé - désiré. Un passage obligé, certainement. Pour une raison oubliée. J'y suis maintenant, parce que les mots répétés ne me suffisent plus. Ni les rêves. Cet Iran, miroir de mes attentes, je sais les tapis de feu volés par les tyrans. Tenir capturé ici, maintenant, un fragment d'histoire dans le passage étroit de ma liberté ? ce puissant euphorisant. Illusion ? Pourtant j'ai frôlé ici sa temporalité souveraine. Comme une évidence intérieure.

Le premier jour, in Tehran, trait d'union avec cette jeune femme, maquilleuse de cinéma, que je retrouve au mausolée, tchador abandonné, radieuse dans la chaleur de cet après-midi. Une autre femme passe, offre des dattes. Je reste un moment, repos et fraîcheur. J'expérimente ici et encore, des mots étrangers qui relient. Le persan, des mots étranges, I prefer the word ?farsi? from the Fars province where people are more modern. That what the guide writes. Quand je les quitte, ils sont toujours là, sonores et légers. Quand je reviens, les mots deviennent plus forts. Plaisirs des séductions permises à travers l'étranger. L'étrangeté. Les mots comme des risques qui trahissent le corps. Des regards qui bouleversent les attentes, les attirances. J'ai envie de rester, là, encore.

Je vole de ces instants perdus. Encore. A Esfahan, à Shiraz. In Tehran it's different. Voler des mains en suspens, des pieds dévoilés, des visages de fierté, un regard parfois, ce regard ? un secret enfoui - aussi longtemps qu'il le désire. Contact comme par magie - en pays - étranger. C'est la première chose qui se produit. Une surprise. Je parle avec eux de mon pays, et de tout, de l'amour et du sexe. Peu de livres ici. Pourquoi me parlent-il de Napoléon, tiens ? Une vénération des arts comme des fragments de dieu. Céramiques profuses. Ils mes conduisent aux plus belles mosquées, vers les plus beaux villages. Je prends. Mais, comment leur dire ma quête ? J'explique à mon guide que je cherche quelque chose qui n'existe pas?

Contradictions à chaque paysage, tensions internes, et partout et cachées, une immense douceur et une violence profonde. Jamais je n'ai eu peur. Je repère un palais en ruine, des graffitis, marques des passages. Un autocollant au détour. Sur les bords du fleuve. Attentes et plaisirs. Les femmes regardent. Des iraniens attirés par l'Occident. A la TV des images de partout et de cet Iran là-bas, de l'autre côté. Visions vertigineuses permises sur Internet, les satellites, les portables - autant de brèches à affronter. Le jeune homme m'explique que les images érotiques des femmes mythiques sont tolérées. Pour les autres femmes, consulter les Coran. Survivre à l'intérieur des contraintes du religieux et des temps politiques. Danses et chants en milieu protégé. Partage du thé et quelques autres boissons, défendues.

Quel était ce parfum ? Ivresse solitaire dans la fixité des paysages. Le bus est immobile dans le désert du Fars. Les rideaux sont fermés à cause de la chaleur. La vidéo est violente. Je ferme les yeux. Un instant. La danse se poursuit dans la chaleur de la fin d'après-midi. Les chants rient. Je prends ces instants lyriques. Simplement une fleur pour pensée antique. La jeune femme de l'hôtel m'offre son bijou, juste avant mon départ. Je reviendrai.

Dans cet écartèlement des espaces, filature des sentiments, dans cette incertitude des idées, je me rapproche d'eux. Je suis déjà proche. Entre l'homme et le sacré, entre la légèreté et la beauté, sur les frontières, en quête - enfin something like that. Frôlement de soi ? étincelle isolée, frottement de soi à l'autre ? éclair des orages imprévisibles. Poursuivre loin ?dans les terres et revenir. Le temps de quelques prises?

Une autre façon d'osciller. Quelque part dans la réalité des mondes multiples.