attIRANce " Un jour, il me faudra repartir et quitter cette île [...]", A. S.




Photo, écriture, marche ?

Novembre 2006

« Un jour, il me faudra repartir et quitter cette île, poussée par mon impatience, en proie à l'errance, à cette force impérieuse et à ce penchant qui me jette vers des buts inconnus. »
Annemarie Schwarzenbach.

Photo, écriture, marche ? Juste ces quelques mots divers à la fin de mon CV ... J'ai osé? Quelques mots comme une promesse, un pense bête, un absolu ? Il y a un peu de ça? Quelques mots comme un aveu, un dévoilement, un mensonge ? Eviter de me reconnaître ?

Je fais de la photo pour ne pas oublier, comme une trace de mon passage, mes passages, le temps qui file, les paysages qui se déroulent, les personnes que je croise, et que je tente de retenir ? Comme des sensations, des sens indécents que j'aimerais savoir exprimer, pour m'exprimer, en silence et dans ma violence. Une difficulté à cause du voile? et derrière le voile un désir secret de tout vouloir, tout posséder, tout donner? Des photos, des mots, des lignes, des couleurs et des émotions comme autant d'impressions inabouties, tenues à distance hors du temps, hors de portée ? Par protection ? Une démarche vouée au hasard, une orientation vers l'exceptionnel, le sensible, l'informel, un attrait pour l'ombre. Beaucoup d'hésitations, d'opérations, de ratures, de brisures, d'azurs. Ce ne sont que des brouillons épars ? par amour?

Pour éviter les grands mots, les belles photos, je prends en marchant. Le flou est ce que je préfère, les passages de lumières et les prières que je ne fais pas.

La photo et les mots, une expérience presque nouvelle de 2 ans à peine ? J'ai commencé par un journal d'impressions liées à une souffrance, une absence, qui a abouti au désir du voyage ? voya-je.

Cet Iran qui depuis des années m'attire ? est une sorte de trait d'union avec mon enfance calme perturbée par cette horrible guerre Iran-Iraq, à moins que cela soit une suite logique d'un voyage commencé il y a 18 ans en Turquie, ou une fascination pour le symbole de l'Iran, le lion-soleil ? Comment savoir ? Cela n'a aucune importance. Tant de questions qui m'ont rassurée un jour et qui aujourd'hui ne peuvent m'empêcher de faire tous les pas du monde.

Pas, pas-sage(s) à l'acte photographique, à l'écriture ? J'écris ? comme des notes au hasard de mes hésitations, troubles des mots, des phrases et des images, comme une course, oui, vers la filature de sens. Rien de signifiant, mais une direction qui ouvre les sens(ations). Regarder ma carte pour imaginer et lire les étoiles pour mieux me perdre.

De temps en temps pourtant je me (re)père ? Et je conteste les limites, et chasse les dernières fois? par précaution. Alors je marche, je marche, je marche. Je prends quelques photos au passage. Pas forcément celles que je v(o)is? Les paysages, les visages, changent. Les virages ouvrent tellement d'espace de solitude. Les couleurs communient et j'oublie un instant les mots qui me préoccupent. Un voyage rare. Tout simplement. Une étincelle de beauté et une revendication de légèreté et d'absurdité ? rien n'est pensé. Un voyage, comme un vol. Et un combat ? lutter pour exister. A la fois une résistance et un plaisir. Je retiens et repars.

Je pense que l'on me prenait pour une photographe, mais cela n'avait pas d'importance. En fait, j'existais comme photographe ? et comme femme étrangère. C'est étrange. Triple objet de convoitise, dans un ordre non pertinent : femme, occidentale, photographe. Comment se débrouiller avec ça ? Souvent je ne faisais pas les photos que l'on attendait de moi. Quand c'était des amis et qu'on me le demandait, j'acceptais. Je bloquais irrémédiablement sur les situations exceptionnelles, trop démonstratives ou représentatives. Je ne sortais pas mon appareil, j'observais, on m'observait.

Eviter le reportage, le documentaire, la photo-souvenir des monuments archaïques. J'étais plus près de l'expérience, trop près pour faire des photos sans doute. Elles ne sont pas exceptionnelles, celles que j'ai faites. Juste quelques traces, ce que j'ai réussi à voler du réel, des autres que je rencontrais, des paysages que je découvrais, ce que j'ai pu voler à moi-même. Des photographies comme un vol, dévoilement. Est-ce que je prends trop ? Est-ce que je donne trop ?

Le doute comme un parcours à redéfinir. En attendant, je poursuis. Déplacement des frontières au fur et mesure des temps différents. Echanges. Vases communicants. Nulle importance. Du moment que les couleurs m'impressionnent. Comme cet automne, le premier où je vois la nuit tomber avec calme.

Au printemps j'irai vérifier les profondeurs de ce pays, l'Iran et la photographie, et l'écriture, comme autant de travaux nécessaires. Quand je toucherai la couleur du désir au moment même où ce même désir atteindra les limites par où les rêves deviennent froids. Je sentirai alors le départ. Alors je contournerai les piètres territoires et rejoindrai les terres nomades, plus au sud. Là où les obsessions se succèdent aux émotions et vice versa.

« Il n'y a de vérité et de liberté que dans l'espace de la confession », déclare Antoine d'Agata, « jusqu'à ce que le monde n'existe plus ».

AttIRANce est une confession. Et comme repère, pour ne pas me dévoiler complètement, j'ai choisi un éclat bleu. Une orientation perse dans le firmament. Oser des photographies même inabouties, floues, dans une désorientation continue. Révéler une part de leur complexité. Comme une approche timide et osée de tout ce que je désire connaître.

J'ai essayé ici sur le site attIRANce de « construire » un carré. Désir d'une perfection ? Une tentative de réduire les formules complexes à leur plus simple expression, mots, émotions, délicatesse et inattendu derrière les formes. J'ai essayé ? de composer un support d'écriture. Une attache pour libérer les impressions.

3 X 3 photos et un texte plus ou moins lié, je ne sais plus. Cette structure ne me satisfait pas totalement. J'aurais voulu un passage fluide entre les mots, entre les lignes « et sous le fard d'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit » où la part de hasard serait jeu de pistes et curiosités. Etant donné mes connaissances limitées en développement de sites web, je n'ai pu faire tout à fait ce que je souhaitais. Je pense que le site ne bougera plus tellement maintenant.

Bonne marche vers des buts inconnus et que le toucher des terres entières soit émerveillement.

Iscia, iscia@touarance.org