attIRANce " Un jour, il me faudra repartir et quitter cette île"

Transparences perses



Du haut de l’Hosseineh

Miniaturiste

notes hautes

pêche sur le Zayandeh

prises

ombres

acteur

doubles jeux de cadres

torrent



Transparences perses

De la terrasse de l'hôtel, je respire la vieille ville de Yadz dans la chaleur du soir, en bas la mosquée Amir Chakhmaq. Les fidèles portent le deuil de l'imam Hossein (3e imam, petit-fils de Mahomet, il y a 7 siècles). Ils se frappent la poitrine et pleurent. L'imam récite des versets, dans ces transes, je suis dans un silence bleu. Je regarde à distance. Ou, est-ce à cause du thé de cette nuit d'ivoire ? Je tente quelques photos, la nuit se propage sous les voiles et les étoiles. Quelques mémoires perses chantent une romance. Le matin, derrière les rideaux, des motos avalent bruyamment les dernières illusions d'un pays en transition, tandis que le ventilo rattrape sa légende une nouvelle fois. Je quitte cet d'hôtel misérable. Je m'installe dans un ancien palais. Ma mémoire émerge des eaux du bassin dans la nuit solitaire. J'essaie de rejoindre les points sublimes qui forment les lettres imaginales de mon désir. J'écris peu, peu de mots, peu de prises. Un américain passe avec un Canon. Il fait un voyage dans le pays de ses ancêtres. Je récupère ici des parfums brûlés de l'été dans un désert de roses. De jeunes étudiantes m'apportent le thé. Je souris. Elles m'emmènent dans un jardin persan au bord de la ville à la tombée de la nuit. Mah pour la lune et rosedegh pour ce duvet de pissenlit quand il vole et disparaît.

Je traverse le pays pour rejoindre d'autres villes. Toujours plus au sud. Jusqu'à Feruz Abad, vestiges en plein milieu des montagnes du Fars. Impression d'infini. Terres immenses. Routes serpentines. Est-ce une impression venue du taxi qui roule rapide avec cette lenteur accentuée ou l'effet de ce paysage immobile sans limite qui provoque des picotements si agréables ? Je vole au-dessus des images. Dans les miroirs des trains, dans les halls de gare, j'ai du mal à me reconnaître. Je ne m'arrête pas.

Je lève les yeux. J'ai un repère, le bleu. Le bleu est partout en Iran. Sur les céramiques, à la surface des fontaines, sur quelques îlots de terre perdus au bord des autoroutes, à la croisée de certains regards. Il suffit de s'arrêter. Alors, au pied de la tombe d'Hafez, une famille m'offre un faludeh à l'eau de rose (glace aux vermicelles). Plus loin, les poissons de Saadi festoient dans l'eau transparente. Les mots bleus de Christophe parviennent jusqu'ici sur une chaîne française, et font vibrer ma tranquillité.

Les artisans que nulle tentation ne perturbe oeuvrent minutieusement à côté du bazar d’Esfahan . Du bout de leur pinceau, ils pointent le bleu et tout cet or qui fusionne dans leurs mains. D'autres cisèlent les métaux précieux sous les néons verts. Les doigts des tapissiers caressent les chants nomades des sérénités. Je lis dans leurs regards délicats. Sur le Zayandeh, une équipe de tournage française filme une histoire. Je prends la photo de cette actrice qui joue la mariée. Elle porte elle aussi le masque de jeune épousée. Je survole un vieil acteur iranien sur fond d'encres translucides. Tandis que me crie en français un professeur iranien de biologie qui voudrait être mon guide. Je ne m'arrête pas.

L'oiseau ondule sur les notes effilées. L'homme répare de vieux kilims. Je prolonge l'ombre, cet autre jour.

Finalement, des anges passent verts. La fraîcheur de la montagne enveloppe les corps légers du début de l'été. Je prends un dernier verre de dugh avant le départ.

« La Roue des cieux fatidique
Qui joue et nous égare
A la lanterne magique
Précisément se compare.
Le soleil en est le feu,
L’univers est la carcasse,
Nous les images qui passent
Sans rien connaître du Jeu. »
Omar Khayyâm

Au-dessus de la ville, le bleu pers disparaît peu à peu et la nuit efface les traces qui perlent sur mon visage.