Elle l’avait enfin retrouvé ce boîtier en acier noir et mat.
Elle le tenait fermement pour qu’il retrouve la tiédeur de sa propre chair.
Un peu de sueur, née de l’excitation de ces retrouvailles, perlait au bout de ses doigts, auréolant sa surface douce et lisse.
Elle le porta lentement à la hauteur de son visage regrettant qu’il n’ait pas su s’imprégner de toutes les odeurs des photos passées.
De sa main droite elle le mit sous tension, lui arrachant quelques déclics à peine perceptibles.
Son œil se riva dans le viseur.
Sa main gauche s’était saisie de l’optique et manoeuvra la bague des focales. S’éloigner, se rapprocher, s’éloigner encore... un peu plus, un peu moins, là c’est bien. Faire le point, puis y renoncer pour laisser un peu de flou.
Sa pupille se déplaçait le long des lignes de force, de quarts en quarts, pilotant tout son corps qui ne faisait plus qu’un avec ce tendre cyclope, pour tenter de trouver un cadre.
Que faire, reproduire la géométrie académique des compositions photographiques ou introduire le doute, l’étonnement et pourquoi pas un chaos assumé comme Boukourechliev dans ses Archipels ?
Sa main droite pianotait maintenant sur de petites touches, faisant défiler dans le viseur les valeurs de la vitesse, de l’ouverture, de la profondeur. S’attarder sur des sarabandes de chiffres, technique bien connue pour retarder le moment aussi bref et intense qu’attendu.
Puis elle sut que c’était le moment.
Tout son être se figea.
Elle bloqua sa respiration.
Son rythme cardiaque s’accéléra.
Attendre encore quelques secondes.
Elle n’obéissait plus qu’à l’instinct et elle déclencha.
L’obturateur s’ouvrit et un flux de photons s’engouffra dans l’appareil, inondant les capteurs électroniques.
Elle reprit le contrôle de son souffle, ses muscles cotonneux lui répondaient à nouveau.
Elle plaqua le boîtier contre sa poitrine.
La prochaine fois elle essaierait des prises de vues en rafale.