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Désert rouge
je suis passée dans les villes, dans les forêts, à travers les vitrines, les miroirs et je cherche encore
Qu’est-ce que je dois regarder ?
alors, partie loin de cet ici, je regarderai les plaines d’herbes rouges, les océans de bleus aux marges des villes, vers un orient que je cherche toujours ailleurs, qui n’existe pas, je le sais
j’adopterai une couleur comme on se lie à un ami et je l’imprimerai sur ma peau, dans mon boitier, au risque de la perdre, je le sais
Même toi, tu ne m’as pas aidée...
mais, cette couleur, cet objet de désir, je ne pourrai la perdre, je le sais
cet Iran-là est proche de moi, en moi
Désert rouge, Michelangelo Antonioni, 1964
F., mardi 31 janvier 2006
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Messages
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L’homme l’avait vu arrivé de loin. Il avait attendu longtemps que le mirage tremblant se stabile un peu plus. Puis il s’était assis pour suivre la trajectoire très lente qui venait vers lui.
Il avait cessé d’écrire son fragment d’univers. Ces traces persistaient, insistaient. Pour une fois, Il était satisfait de son travail. Il sourit au bord de ses lèvres frontières.
Il ferma les yeux. De la terre Yéménite aux bleus des Yourtes du désert de Gobi et des plaines Khazakes (il n’avait jamais réussi à écrire d’emblée correctement ce nom, et voyait cela comme un indice de son alliance secrète avec les espaces lisses) il laissa se mélanger les couleurs et les tenseurs. Une couleur vint qu’il attendait depuis longtemps : centrale et partout présente, ce qu’il décrivait depuis toujours dans ses textes et ses explorations les plus spéculatives, était là... Il décida de lui donner un nom...Schwarchild ! Oui c’était çà, presque imprononçable mais tellement immense. Cette couleur elle la lui faisait toucher. Il sentit une chaleur rouge et ocre et mauve éclater dans son corps et sa tête. Il reprit son carnet jauni et sale et se brûla à inscrire quelques mots encore. Il ajouta un fragment à l’autre...celui du désert de sa chambre aux bords plissés du sahara avec cet être fission... Non elle n’était pas une Mata Hari... fusillée... C’était un mauvais rêve. Elle avait au pire, été comme ce Schwarchild solitaire et génie tragique qui au fond d’une tranchée du front russe, offrant à lui-même (jouissance de cela fabuleuse) la première solution exacte des équations de la relativité représentant l’espace-temps courbe autour d’un trou noir Il éclata de rire en jetant ses yeux sur ce qu’il venait d’écrire... Pourquoi cela ? Peu importe !
Oui Mata-Hari autre, qui embrase son feu...enfin... Désert rouge et Schwarchild... Polemos vivant et créateur d’elle-même, contre une poliorcétique de bazar de l’âme et du corps, à laquelle elle avait été confronté ces dernières unités de temps à elle.. enfermée dans un théatre surcodé et pesant. Elle était libre et nomade à jamais. Elle était cela. Il se laissa aller. Il ouvrit les yeux un peu. Cette couleur l’ennivrait. C’était comme un mélange d’épices, celui des Freemen de Dune ou d’ailleurs, le sien. Oui elle était, certainement, du plus loin qu’il l’ avait vue, puis devinée, sémiogriphe tremblant et grandiose, et infiniment petit...Il ferma les yeux à nouveau pour que le Schwarchild l’envahisse. Il sentit ses phrases asyntaxiques monter en lui, son agrammaticalité à lui, venir, ces phrases comme des blocs faits de ces chaosmoses souterraines...Il imagina les siennes à elles. Il s’arrêta. Un dieu grec, peu connu venait de lui souffler à l’oreille une injonction...puissante.
Certes...répondit-il au dieu. " Trop long peut être ! Mais on n’offre pas au monde une couleur tous les jours ". Ce à quoi le Dieu interloqué, ne répondit rien.
L’homme se lova à l’intérieur de sa terre, en haut du monticule pour mieux sentir les lignes et les horizons d’énergies. Il but une longue gorgée de thé, froid et se mît à mâcher une feuille de coca et ouvrit les yeux. Tout entra en lui. Il vit la Perse immense, il vît les temps intensifs submerger l’ Histoire. Il la vit dans sa Perse mythique qui l’attendait certainement depuis toujours. Il pria pour qu’elle entende l’avenir de la Perse, de sa Perse. Elle ne se donnerait pas la première fois peut-être. Peu importe.
La poussière vint faire danser un peu plus les vibrations du silence.
L’homme se mit à flotter sur son plan d’immanence.
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